Dans les prochains articles, j’explorerai l’histoire fascinante et tragique de la première banque de semences au monde et de son créateur héroïque. Je remercie le lecteur Michel Leblanc d’avoir partagé cette histoire avec moi. Je remercie également Jocelyne Lavigne qui a participé à la rédaction de cette version française du texte.

Le nom de Nikolaï Vavilov est aujourd’hui pratiquement inconnu en Occident, ce qui est dommage, car il a créé la première banque de semences au monde et élaboré des théories sur la diversité génétique qui demeurent valables aujourd’hui.
Né dans une famille de commerçants à Moscou en 1887, Vavilov a grandi à une époque où la famine ravageait régulièrement les campagnes russes. On estime qu’une famine en 1891-92 a causé plus de 300 000 morts et que cette famine a donné un nouveau souffle au mouvement marxiste russe. Le jeune Vavilov a entendu les récits de privation de son père et a décidé de consacrer sa vie à l’éradication de la faim.
Il est entré à l’académie agricole de Petrovskaya (aujourd’hui l’université agraire d’État russe – académie agricole Timiryazev de Moscou) en 1906 et s’est fait connaître parce qu’il transportait un lézard de compagnie dans sa poche en tout temps.

Jeunes années et influences
Avant le début de la Première Guerre mondiale, Vavilov voyageait en Europe et collaborait à des études sur l’immunité des plantes avec le biologiste britannique William Bateson, lui-même pionnier de la génétique. Après la création de l’URSS, il a enseigné l’agronomie à l’université de Saratov avant d’être nommé directeur de l’Académie des sciences agricoles de l’Union Lénine à Leningrad, où il a travaillé de 1924 à 1935. Il a poursuivi de nombreuses collaborations internationales, notamment avec la phytopathologiste canadienne Margaret Newton, spécialiste de la rouille des tiges du blé.
Les premières années de la République soviétique ont été marquées par l’insécurité alimentaire. La collectivisation et la sécheresse se sont combinées pour provoquer en 1921-1923 une famine généralisée qui a touché environ 16 millions de personnes dont près de 5 millions sont mortes. Ces événements ont sans doute renforcé l’engagement de Vavilov à éliminer la faim par le biais d’une meilleure agriculture.

Principes directeurs
Le raisonnement de Vavilov était élégant dans sa simplicité et demeure valable aujourd’hui. Il pensait que les cultures agricoles modernes manquaient de résilience en raison de la consanguinité et du manque de diversité génétique. À l’instar des agronomes d’aujourd’hui, il s’est donc mis à la recherche des antécédents sauvages des principales cultures alimentaires, notamment les céréales, afin de réintroduire la diversité génétique et de produire des plantes alimentaires plus robustes.
Même dans les années 1920, la recherche de plantes alimentaires sauvages par Vavilov était une course contre la montre et contre la perte de biodiversité due aux effets du développement humain. Au total, il a effectué 115 voyages de collecte de graines dans 64 pays et sur cinq continents différents. Les nombreuses graines, céréales, fruits, noix et tubercules qu’il a collectés ont tous trouvé une place à l’Académie de Leningrad, où se trouve l’une des premières banques de semences au monde. En 1931, la banque de semences du Bureau contenait plus de 10 millions de variétés de graines.
Comme l’a écrit un historien à propos de la collection de Vavilov, « certaines [graines] étaient recouvertes d’une couche terne tandis que d’autres brillaient comme des bijoux…(. . .) Les tubercules, les racines et les bulbes avaient toutes sortes de textures, allant de noueuses à lisses et polies comme un pot d’argile. » Les fruits recueillis « dégageaient presque toutes les odeurs imaginables pour un chimiste de la parfumerie – musquée, fermentée, citrique et florale. »
Vavilov ne s’est pas contenté de collecter des graines. Il a également compris l’importance de les faire pousser. Les graines, tubercules et autres semences étaient cultivées dans les champs, les vergers et les rizières du vaste empire soviétique par une petite équipe de techniciens. Les récoltes étaient ensuite renvoyées à l’Institut pour en reconstituer les stocks de semences. À la fin des années 1930, plus de 20 000 scientifiques et techniciens travaillaient pour Vavilov dans le cadre de cet effort massif.
L’histoire se poursuit dans notre prochain billet. En attendant, vous trouverez ci-dessous une liste de références pour une lecture plus approfondie. La version anglaise de ce billet est disponible ici.
Références
- Nikolai Vavilov
- The Tragedy of the World’s First SeedBank
- Nikolai Ivanovic Vavilov (1887-1943)
- The tragic tale of Nikolai Vavilov
- The Seeds of Life — Nikolai Ivanovich Vavilov and the Fight for the Centers of Origins of Plant Diversity and Food Security
- Vavilov Institute of Plant Industry
- Institute of Plant Industry
- Federal Research Center, N. I. Vavilov All-Russian Institute of Plant Genetic Resources (VIR), Ministry of science and higher education
- The Development of Botany in the Soviet Union by Slavomil Hejný
- Russian famine of 1921–1922
- The Law of Homologous Series in Variation by Professor N. I. Vavilov, Director of the Bureau of Applied Botany and Plant Breeding, Petrograd, Russia.
- Homologous Series, Law of
- Revisiting N.I. Vavilov’s “The Law of Homologous Series in Variation” (1922)
- Vavilov : Une banque de semences à Lyon pour préserver la biodiversité
- Beyond the Gardens: Millennium Seed Bank Partnership
- Impact: science et société, UNESCO Bibliothèque Numérique, pages 141 à 149
- Pavlovsk Experimental Station
- In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
- Seed banks: saving for the future
- Russia’s Vavilov institute, guardian of world’s lost plants
- CRBA L’institut Vavilov
- Russie : Campagne pour sauver la station expérimentale de Pavlovsk
- Une collection de 5000 variétés de petits fruits menacée de disparition en Russie à l’Institut Vavilov !
- Une oasis de la biodiversité menacée par les pelles mécaniques
- Russia launches inquiry into Pavlovsk seed bank after Twitter campaign
- Les végétaux du futur poussent à Charly
- In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
2 replies on “Le cas étrange et tragique du semencier soviétique (1ère partie)”
Oh Yikes! It is in French and I don’t understand a word!! sending much love my darling sister-in-law 💕😁 Desre
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Not to worry. This is a translation of something I already published. If you look in the last paragraph there is a link to the English version.
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