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Le cas étrange et tragique de l’homme semence soviétique (3ème partie)

Ce billet est le troisième d’une série dans laquelle j’explore l’histoire fascinante et tragique de la première banque de semences au monde et de son créateur héroïque. Je remercie le lecteur Michel Leblanc d’avoir partagé cette histoire avec moi, ainsi que Jocelyne Lavigne pour son aide dans la traduction française.

Près de 3 millions de personnes ont été prises au piège dans Leningrad pendant le siège. Seules 800 000 ont survécu. Tiré de TASS/Getty Images.

Le siège de Leningrad

Pendant ce temps, la situation était sombre au Bureau de Vavilov. En juin 1941, l’Allemagne nazie envahissa l’Union soviétique. Leningrad était l’une des principales cibles des Allemands, en partie à cause du Bureau de Vavilov. Les scientifiques nazis appréciaient le pouvoir de la génétique  à l’excès (Ils ont essentiellement commis l’erreur inverse de celle de Lysenko en soutenant que l’éducation et l’environnement ne comptaient pas et que les gènes seuls déterminaient notre destin.) Les nazis savaient que Vavilov avait rassemblé un trésor inestimable de richesses agricoles et ils voulaient s’en emparer!

Imaginez le moral du Bureau de Vavilov. Leur patron avait disparu et leur propre gouvernement les avait diabolisés et traités de traîtres pour leurs recherches. Alors que les nazis avançaient sur Leningrad, désireux de voler le travail de toute une vie, qui ne désespérerait pas ?

Les choses ont ensuite empiré. Le siège de Leningrad a duré  872 jours. Au lieu d’obus et des canons, l’arme principale des nazis a été la famine;  ce que Vavilov avait cherché à prévenir presque toute sa vie. Les nazis  ont tenté d’affamer les Russes pour qu’ils se soumettent.

Illustration par J. S. Lawson de poires sauvages collectées en Asie centrale, l’un des six panneaux que Vavilov a remis au pomologue Richard Wellington lors du Congrès international de génétique en 1932. Tiré de Biodiversity Heritage Library.

Les réserves diminuant, les habitants de Leningrad se sont mis à chasser les chiens et les chats; ils en furent réduits à manger du rouge à lèvres, des chapeaux de cuir et des manteaux de fourrure.

La seule nourriture de toute la ville se trouvait à l’intérieur du Bureau. Mais, chose incroyable, les scientifiques n’ont jamais puisé dans leurs réserves pour apaiser leur faim. Ils mouraient de faim alors qu’ils étaient entourés de nourriture – ils travaillaient avec de la nourriture, pensaient à la nourriture, touchaient de la nourriture tous les jours. Pourtant, aucun d’entre eux n’a jamais porté une bouchée à ses lèvres. Comme l’un d’entre eux l’a dit plus tard, « il était difficile de marcher. Il était insupportablement difficile de se lever le matin, [même] de bouger les mains et les pieds […] mais il n’était pas le moins du monde difficile de s’abstenir de manger la collecte. » Il ne s’agissait pas non plus d’une simple rhétorique. Un scientifique émacié est même mort à son bureau, un paquet de cacahuètes nutritives à la main.

Comment pouvaient-ils résister à une telle tentation ? Tout d’abord, ils pensaient au monde après la guerre. Ils savaient qu’ils pourraient aider les nations à se relever et à nourrir leur population, en particulier dans les endroits où les récoltes avaient été anéanties. Ils ont également envisagé l’histoire de l’humanité dans son ensemble. Depuis que les premiers agriculteurs ont planté des graines il y a environ 10 000 ans, il y a eu une chaîne ininterrompue de cultures à travers le temps. Les scientifiques du Bureau de Vavilov se considéraient comme les gardiens de cet héritage, sans doute le plus important de l’humanité. Manger les graines aurait été l’équivalent d’une rupture de cette chaîne.

Les scientifiques ont donc attendu, et ils sont morts l’un après l’autre. Un scientifique du riz, un scientifique de la pomme de terre, le scientifique de l’arachide qui tenait ce paquet, et six autres. Au total, 700 000 personnes sont mortes de faim à Leningrad pendant les 872 jours du siège. Mais il est difficile de trouver une mort plus poignante que celle de ces neuf scientifiques de l’alimentation.

Alors que les Américains connaissent une ou deux variétés de cacahuètes, les agriculteurs d’autres régions du monde ont pu développer des centaines de variétés grâce à la capacité naturelle de la cacahuète à mélanger ses deux sous-génomes distincts pour produire de nouvelles caractéristiques. Voici quelques-unes des arachides cultivées par le peuple Caiabí, qui vit sur l’île de Ilha Grande, dans le Mato Grosso, au Brésil. L’arachide est très importante pour eux et ils en cultivent diverses sortes, chacune ayant son utilisation, son nom et son histoire. (Photos de Fábio de Oliveira Freitas). Extrait d’un article paru sur UGA Today, University of Georgia.

L’histoire se poursuit dans notre prochain billet. En attendant, vous trouverez ci-dessous une liste de références pour une lecture plus approfondie. La version anglaise de ce billet se trouve ici.

Références

  1. Nikolai Vavilov
  2. The Tragedy of the World’s First SeedBank
  3. Nikolai Ivanovic Vavilov (1887-1943)
  4. The tragic tale of Nikolai Vavilov
  5. The Seeds of Life — Nikolai Ivanovich Vavilov and the Fight for the Centers of Origins of Plant Diversity and Food Security
  6. Vavilov Institute of Plant Industry
  7. Institute of Plant Industry
  8. Federal Research Center, N. I. Vavilov All-Russian Institute of Plant Genetic Resources (VIR), Ministry of science and higher education
  9. The Development of Botany in the Soviet Union by Slavomil Hejný
  10. Russian famine of 1921–1922
  11. The Law of Homologous Series in Variation by Professor N. I. Vavilov, Director of the Bureau of Applied Botany and Plant Breeding, Petrograd, Russia.
  12. Homologous Series, Law of
  13. Revisiting N.I. Vavilov’s “The Law of Homologous Series in Variation” (1922)
  14. Vavilov : Une banque de semences à Lyon pour préserver la biodiversité
  15. Beyond the Gardens: Millennium Seed Bank Partnership
  16. Impact: science et société, UNESCO Bibliothèque Numérique, pages 141 à 149
  17. Pavlovsk Experimental Station
  18. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
  19. Seed banks: saving for the future
  20. Russia’s Vavilov institute, guardian of world’s lost plants
  21. CRBA L’institut Vavilov
  22. Russie : Campagne pour sauver la station expérimentale de Pavlovsk
  23. Une collection de 5000 variétés de petits fruits menacée de disparition en Russie à l’Institut Vavilov !
  24. Une oasis de la biodiversité menacée par les pelles mécaniques
  25. Russia launches inquiry into Pavlovsk seed bank after Twitter campaign
  26. Les végétaux du futur poussent à Charly
  27. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
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Le cas étrange et tragique du semencier soviétique (partie 2)

Ce billet est le deuxième d’une série dans laquelle j’explore l’histoire fascinante et tragique de la première banque de semences au monde et de son créateur héroïque. Je remercie le lecteur Michel Leblanc d’avoir partagé cette histoire avec moi et Jocelyne Lavigne pour son aide dans la traduction française.

La diversité du blé en Azerbaïdjan. D’après un article de 2012 de l’auteur principal A. Aliyeva, DOI : 10.5829/idosi.aejaes.2012.12.10.6680.

Théories sur la diversité génétique

Au cours de ses expéditions, Vavilov a élaboré plusieurs théories importantes. La première s’intitule « La loi des séries homologues dans la variation ». S’exprimant lors du 3e congrès russe pour l’amélioration des plantes à Saratov, Vavilov s’est inspiré des travaux de Mendel et de Quetelet pour proposer que les espèces et les souches qui sont étroitement liés se caractérisent par une variabilité génétique comportant des séries homologues similaires. Par exemple, si les têtes de graines d’une espèce de blé présentent des ramifications et des épillets, on peut raisonnablement s’attendre à des traits similaires chez des espèces de céréales apparentées, comme le seigle. L’article qu’il a publié à ce sujet en 1922 a affiné cette théorie en deux parties : (a) des traits morphologiques similaires apparaissent dans différents groupes de plantes ; et (b) l’ensemble des traits constitue une série qui est propre à une variété particulière de plante.

Cette loi est toujours extrêmement importante pour la sélection des plantes et des animaux. En sachant que des traits génétiques et morphologiques similaires se trouvent chez des espèces apparentées, les sélectionneurs peuvent affiner la recherche  de traits et des variantes souhaités.

Diversité du maïs dans le bureau de Vavilov. Photo de Luigi Guarino, sous licence Creative Commons Attribution 2.0 Generic.

Centres d’origine des plantes cultivées

À partir de 1926, Vavilov a formalisé ses observations sur l’origine des plantes. Il a proposé que les zones présentant la plus grande diversité d’une variété végétale et de ses parents sauvages indiquent les endroits où les humains ont commencé à cultiver ces plantes. Selon Vavilov, ces zones de première culture représentent les centres d’origine évolutive de certaines variétés de plantes. Le centre d’origine d’une variété particulière de blé, par exemple, serait l’endroit où existerait une diversité de parents génétiques – notamment des parents sauvages non domestiqués de cette variété. Contrairement aux théories précédentes sur ce sujet, Vavilov a utilisé des traits, tel le nombre de chromosomes dans les cellules des organismes d’une même espèce, pour caractériser et catégoriser la diversité génétique au sein des espèces.

De WAMU 88.5, radio de l’université américaine : “Une carte de l’origine de vos aliments pourrait vous surprendre“.

Au départ, Vavilov a reconnu cinq centres d’origine (Asie du Sud-Ouest, Asie du Sud-Est, côte méditerranéenne, Amérique du Sud et Mexique), ainsi que plusieurs sous-centres. Par la suite, il a modifié sa théorie pour la transformer en sept centres d’origine primaires. Sa théorie a eu peu d’influence jusqu’à ce qu’elle soit traduite en anglais après la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, elle continué continue à influencer à la fois les spécialistes de l’agriculture et les personnes qui s’intéressent aux origines génétiques des plantes.

L’un des ouvrages les plus cités de Vavilov est intitulé The Origin, Variation, Immunity and Breeding of Cultivated Plants (Origine, variation, immunité et sélection des plantes cultivées), publié posthumément en anglais en 1951. Dans cet ouvrage, Vavilov soutient que la diversité des variétés végétales n’est pas uniformément répartie dans le monde et que les centres d’origine d’une espèce contiennent la plus grande diversité génétique liée à la variété d’origine. Cette théorie est aujourd’hui largement acceptée. Par exemple, Bryan Sykes s’est largement inspiré de cette théorie pour son best-seller « The Seven Daughters of Eve », qui explore l’ascendance génétique humaine.

La chute

Trofim Lysenko, 1938. Wikimedia Commons

En 1927, Trofim Denisovich Lysenko, un rival public de Vavilov, a été reconnu dans le journal national pour ses compétences en matière de sélection végétale. Vavilov a suivi les travaux de Lysenko, mais s’est vite rendu compte que ce dernier n’avait pas reçu une éducation scientifique formelle et qu’il ne connaissait pas les concepts génétiques modernes. Lysenko insistait sur le fait que si un organisme acquiert un nouveau caractère au cours de sa vie, cette qualité peut se transmettre directement à ses descendants. Si nous avons aujourd’hui une vision plus nuancée de l’héritabilité épigénétique, le point de vue de Lysenko n’était pas du tout nuancé et allait à l’encontre de la théorie darwinienne orthodoxe.  Celui-ci a envoyé des milliards de plants de blé « contre-révolutionnaires » afin de les  « rééduquer » en Sibérie. (Citation tirée de Homo Deus de Yuval Noah Harari, page 433.) Malheureusement, les plants de blé ont résisté à la rééducation, mais pas au froid. Ils sont morts pour la plupart et l’Union soviétique a été contrainte d’importer des quantités de plus en plus importantes de blé.

(En effet, un généticien allemand du XIXe siècle, August Weismann, a définitivement prouvé que les traits acquis ne deviennent pas héréditaires. Il a coupé la queue de 901 souris et de leur progéniture pendant cinq générations. Comme il l’avait prédit, aucune des générations successives n’est née sans queue, ni même avec une queue plus courte).

En dépit de ses balivernes scientifiques, les opinions de Lysenko ont trouvé faveur au sein des hauts rangs soviétiques car elles s’accordaient parfaitement avec les principes éducatifs communistes. L’un des grands principes de la théorie soviétique était que l’éducation triompherait toujours de la nature (génétique). Lysenko a fini par user de son influence pour devenir le chef de l’agriculture soviétique. Il a alors fait pression pour que la recherche et l’enseignement de la génétique soient interdits en Union soviétique. Il a déclaré que toute personne ne renonçant pas à cette science serait arrêtée et jetée en prison.

La photo d’identité judiciaire de Vavilov. Le Commissariat du peuple aux affaires intérieures (Народный комиссариат внутренних дел), abrégé NKVD (НКВД) – Archives centrales du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (Moscou) (Центральный архив ФСБ РФ (Москва)) Institut de l’industrie végétale (Всероссийский институт растениеводства имени Н. И. Вавилова) Photo officielle tirée du dossier de l’enquête.

Déjà soupçonné pour ses origines bourgeoises, un jour en 1940, alors qu’il collectait des graines en Ukraine, des agents de la sécurité soviétique ont arrêté Vavilov et l’ont emmené au goulag. Même sa femme et ses enfants ne savaient pas exactement où il se retrouvait. Cette arrestation a fait trembler ses collègues du Bureau de botanique appliquée.

Les interrogateurs du goulag ont soumis Vavilov à des interrogatoires sans pitié, souvent pendant 12 heures d’affilée. Ils étaient déterminés à lui faire avouer le « crime » de ne pas conformer sa science à leur politique. Mais comme l’a souligné un historien, « Vavilov, contrairement à Galilée […], a refusé de répudier sa science. »

Furieux, les administrateurs du goulag ont tenté d’affamer Vavilov pour qu’il se soumette. Jour après jour, ils ne lui ont donné que de la purée de chou et de la farine moisie. L’homme qui avait goûté aux pommes sauvages du Kazakhstan, à l’orge sauvage d’Éthiopie et aux pommes de terre sauvages du Chili en était réduit à manger de très petites quantités de bouillie sans saveur. Ses muscles dépérissaient, ses joues s’affaissaient, des furoncles apparaissaient sur sa peau. Ayant travaillé pendant des décennies pour mettre fin à la famine, Vavilov alui-même succombé à la famine en janvier 1943 à l’âge de  55 ans.

L’histoire se poursuit dans notre prochain billet. En attendant, vous trouverez ci-dessous une liste de références pour une lecture plus approfondie. La version anglaise de ce billet se trouve ici.

Références

  1. Nikolai Vavilov
  2. The Tragedy of the World’s First SeedBank
  3. Nikolai Ivanovic Vavilov (1887-1943)
  4. The tragic tale of Nikolai Vavilov
  5. The Seeds of Life — Nikolai Ivanovich Vavilov and the Fight for the Centers of Origins of Plant Diversity and Food Security
  6. Vavilov Institute of Plant Industry
  7. Institute of Plant Industry
  8. Federal Research Center, N. I. Vavilov All-Russian Institute of Plant Genetic Resources (VIR), Ministry of science and higher education
  9. The Development of Botany in the Soviet Union by Slavomil Hejný
  10. Russian famine of 1921–1922
  11. The Law of Homologous Series in Variation by Professor N. I. Vavilov, Director of the Bureau of Applied Botany and Plant Breeding, Petrograd, Russia.
  12. Homologous Series, Law of
  13. Revisiting N.I. Vavilov’s “The Law of Homologous Series in Variation” (1922)
  14. Vavilov : Une banque de semences à Lyon pour préserver la biodiversité
  15. Beyond the Gardens: Millennium Seed Bank Partnership
  16. Impact: science et société, UNESCO Bibliothèque Numérique, pages 141 à 149
  17. Pavlovsk Experimental Station
  18. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
  19. Seed banks: saving for the future
  20. Russia’s Vavilov institute, guardian of world’s lost plants
  21. CRBA L’institut Vavilov
  22. Russie : Campagne pour sauver la station expérimentale de Pavlovsk
  23. Une collection de 5000 variétés de petits fruits menacée de disparition en Russie à l’Institut Vavilov !
  24. Une oasis de la biodiversité menacée par les pelles mécaniques
  25. Russia launches inquiry into Pavlovsk seed bank after Twitter campaign
  26. Les végétaux du futur poussent à Charly
  27. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
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Le cas étrange et tragique du semencier soviétique (1ère partie)

Dans les prochains articles, j’explorerai l’histoire fascinante et tragique de la première banque de semences au monde et de son créateur héroïque. Je remercie le lecteur Michel Leblanc d’avoir partagé cette histoire avec moi. Je remercie également Jocelyne Lavigne qui a participé à la rédaction de cette version française du texte.

Sauver la diversité végétale de la planète. Nikolai Ivanovich Vavilov et son travail d’amour. Extrait d’un article de Thor Hatten sur Medium.

Le nom de Nikolaï Vavilov est aujourd’hui pratiquement inconnu en Occident, ce qui est dommage, car il a créé la première banque de semences au monde et élaboré des théories sur la diversité génétique qui demeurent valables aujourd’hui.

Né dans une famille de commerçants à Moscou en 1887, Vavilov a grandi à une époque où la famine ravageait régulièrement les campagnes russes. On estime qu’une famine en 1891-92 a causé plus de 300 000 morts et que cette famine a donné un nouveau souffle au mouvement marxiste russe. Le jeune Vavilov a entendu les récits de privation de son père et a décidé de consacrer sa vie à l’éradication de la faim.

Il est entré à l’académie agricole de Petrovskaya (aujourd’hui l’université agraire d’État russe – académie agricole Timiryazev de Moscou) en 1906 et s’est fait connaître parce qu’il transportait un lézard de compagnie dans sa poche en tout temps.

Il n’y a aucune photo officielle connue du lézard de compagnie de Vavilov. Cette image est une courtoisie de Pravin Gangurde sur Unsplash.

Jeunes années et influences

Avant le début de la Première Guerre mondiale, Vavilov voyageait en Europe et collaborait à des études sur l’immunité des plantes avec le biologiste britannique William Bateson, lui-même pionnier de la génétique. Après la création de l’URSS, il a enseigné l’agronomie à l’université de Saratov avant d’être nommé directeur de l’Académie des sciences agricoles de l’Union Lénine à Leningrad, où il a travaillé de 1924 à 1935. Il a poursuivi de nombreuses collaborations internationales, notamment avec la phytopathologiste canadienne Margaret Newton, spécialiste de la rouille des tiges du blé.

Les premières années de la République soviétique ont été marquées par l’insécurité alimentaire. La collectivisation et la sécheresse se sont combinées pour provoquer en 1921-1923 une famine généralisée qui a touché environ 16 millions de personnes  dont près de 5 millions sont mortes. Ces événements ont sans doute renforcé l’engagement de Vavilov à éliminer la faim par le biais d’une meilleure agriculture.

Image from Centre for Food Safety “6 Tips for Saving Seeds

Principes directeurs

Le raisonnement de Vavilov était élégant dans sa simplicité et demeure valable aujourd’hui. Il pensait que les cultures agricoles modernes manquaient de résilience en raison de la consanguinité et du manque de diversité génétique. À l’instar des agronomes d’aujourd’hui, il s’est donc mis à la recherche des antécédents sauvages des principales cultures alimentaires, notamment les céréales, afin de réintroduire la diversité génétique et de produire des plantes alimentaires plus robustes.

Même dans les années 1920, la recherche de plantes alimentaires sauvages par Vavilov était une course contre la montre et contre la perte de biodiversité due aux effets du développement humain. Au total, il a effectué 115 voyages de collecte de graines dans 64 pays et sur cinq continents différents. Les nombreuses graines, céréales, fruits, noix et tubercules qu’il a collectés ont tous trouvé une place à l’Académie de Leningrad, où se trouve l’une des premières banques de semences au monde. En 1931, la banque de semences du Bureau contenait plus de 10 millions de variétés de graines.

Comme l’a écrit un historien à propos de la collection de Vavilov, « certaines [graines] étaient recouvertes d’une couche terne tandis que d’autres brillaient comme des bijoux…(. . .) Les tubercules, les racines et les bulbes avaient toutes sortes de textures, allant de noueuses à lisses et polies comme un pot d’argile. » Les fruits recueillis « dégageaient presque toutes les odeurs imaginables pour un chimiste de la parfumerie – musquée, fermentée, citrique et florale. »

Vavilov ne s’est pas contenté de collecter des graines. Il a également compris l’importance de les faire pousser. Les graines, tubercules et autres semences étaient cultivées dans les champs, les vergers et les rizières du vaste empire soviétique par une petite équipe de techniciens. Les récoltes étaient ensuite  renvoyées à l’Institut pour en reconstituer les stocks de semences. À la fin des années 1930, plus de 20 000 scientifiques et techniciens travaillaient pour Vavilov dans le cadre de cet effort massif.

L’histoire se poursuit dans notre prochain billet. En attendant, vous trouverez ci-dessous une liste de références pour une lecture plus approfondie. La version anglaise de ce billet est disponible ici.

Références

  1. Nikolai Vavilov
  2. The Tragedy of the World’s First SeedBank
  3. Nikolai Ivanovic Vavilov (1887-1943)
  4. The tragic tale of Nikolai Vavilov
  5. The Seeds of Life — Nikolai Ivanovich Vavilov and the Fight for the Centers of Origins of Plant Diversity and Food Security
  6. Vavilov Institute of Plant Industry
  7. Institute of Plant Industry
  8. Federal Research Center, N. I. Vavilov All-Russian Institute of Plant Genetic Resources (VIR), Ministry of science and higher education
  9. The Development of Botany in the Soviet Union by Slavomil Hejný
  10. Russian famine of 1921–1922
  11. The Law of Homologous Series in Variation by Professor N. I. Vavilov, Director of the Bureau of Applied Botany and Plant Breeding, Petrograd, Russia.
  12. Homologous Series, Law of
  13. Revisiting N.I. Vavilov’s “The Law of Homologous Series in Variation” (1922)
  14. Vavilov : Une banque de semences à Lyon pour préserver la biodiversité
  15. Beyond the Gardens: Millennium Seed Bank Partnership
  16. Impact: science et société, UNESCO Bibliothèque Numérique, pages 141 à 149
  17. Pavlovsk Experimental Station
  18. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
  19. Seed banks: saving for the future
  20. Russia’s Vavilov institute, guardian of world’s lost plants
  21. CRBA L’institut Vavilov
  22. Russie : Campagne pour sauver la station expérimentale de Pavlovsk
  23. Une collection de 5000 variétés de petits fruits menacée de disparition en Russie à l’Institut Vavilov !
  24. Une oasis de la biodiversité menacée par les pelles mécaniques
  25. Russia launches inquiry into Pavlovsk seed bank after Twitter campaign
  26. Les végétaux du futur poussent à Charly
  27. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
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Biodiversity Conservation

The Strange & Tragic Case of the Soviet Seed Man (Part 1)

Over the next few posts, I will explore the fascinating and tragic story of the world’s first seed bank and its heroic creator. My thanks to reader Michel Leblanc for sharing this story with me.

Saving the planet’s plant diversity. Nikolai Ivanovich Vavilov and his labor of love. From a post by Thor Hatten on Medium.

The name Nikolai Vavilov is virtually unknown in the west today, which is a shame because he started the world’s first seed bank and developed theories about genetic diversity that is still valid today.

Born to a merchant family in Moscow in 1887, Vavilov grew up at a time when famine regularly visited the Russian countryside. A famine in 1891-92 caused an estimated 300,000 deaths and is credited with having given new life to the Russian Marxist movement. The young Vavilov heard stories of privation from his father and determined to dedicate his life to eradicating hunger. He entered the Petrovskaya Agricultural Academy (now the Russian State Agrarian University – Moscow Timiryazev Agricultural Academy) in 1906 and became known for carrying a pet lizard in his pocket wherever he went.

There are no known photos of Vavilov’s pet lizard. This image is courtesy of Pravin Gangurde on Unsplash.

Early Years and Influences

Before the outbreak of WWI, he was travelling through Europe and collaborating with British biologist William Bateson, himself a pioneer in genetics, on studies of plant immunity. Following the establishment of the USSR, Vavilov taught agronomy at University of Saratov before being named director of the Lenin All-Union Academy of Agricultural Sciences at Leningrad, where he served from 1924 until 1935. His extensive international collaborations included work with Canadian phytopathologist Margaret Newton, who was an expert on wheat stem rust. The early years of the Soviet Republic were characterized by food insecurity. Collectivization and drought combined to cause widespread famine. In 1921-1923, about 16 million people may have been affected by famine and up to 5 million died. These circumstances must have reinforced Vavilov’s commitment to eliminating hunger through better agriculture.

Image from Centre for Food Safety “6 Tips for Saving Seeds

Guiding Principles

Vavilov’s reasoning was elegant in its simplicity and still holds today. He figured that modern agricultural crops lacked resilience due to inbreeding and lack of genetic diversity. So, much like agronomists today, he set out to find the wild antecedents of important food crops, mainly cereals, so he could reintroduce genetic diversity and breed more robust food plants.

Even in the 1920s, Vavilov’s search for wild food plants was a race against time and loss of biodiversity due to human development. He eventually made 115 seed collecting trips to 64 countries on five different continents. The many seeds, grains, fruits, nuts, and tubers he collected all found a home at the Academy in Leningrad, making it one of the world’s first seed banks. By 1931 the Bureau’s seed bank contained more than 10 million varieties of seeds.

As one historian wrote of Vavilov’s collection, “some [seeds were] dull-coated while others glistened like jewels. . . . The tubers, roots, and bulbs came in all sorts of textures, from knobby and gnarled to as smooth and burnished as a clay pot.” Fruits collected “exuded nearly every fragrance imaginable to a perfume chemist—musky, fermented, citric, and floral.”

Vavilov didn’t just collect seeds. He also understood the importance of growing them out. Seeds, tubers and so on were sent out to fields, orchards and paddies around the vast Soviet empire where they were grown by a small army of technicians. The resulting crops were harvested and then sent back to the Institute to replenish its seed supplies. By the end of the 1930s, he had more than 20,000 scientists and technicians working for him on this massive effort.

The story continues in our next post. Meantime, please find below a list of references for more reading.

References

  1. Nikolai Vavilov
  2. The Tragedy of the World’s First SeedBank
  3. Nikolai Ivanovic Vavilov (1887-1943)
  4. The tragic tale of Nikolai Vavilov
  5. The Seeds of Life — Nikolai Ivanovich Vavilov and the Fight for the Centers of Origins of Plant Diversity and Food Security
  6. Vavilov Institute of Plant Industry
  7. Institute of Plant Industry
  8. Federal Research Center, N. I. Vavilov All-Russian Institute of Plant Genetic Resources (VIR), Ministry of science and higher education
  9. The Development of Botany in the Soviet Union by Slavomil Hejný
  10. Russian famine of 1921–1922
  11. The Law of Homologous Series in Variation by Professor N. I. Vavilov, Director of the Bureau of Applied Botany and Plant Breeding, Petrograd, Russia.
  12. Homologous Series, Law of
  13. Revisiting N.I. Vavilov’s “The Law of Homologous Series in Variation” (1922)
  14. Vavilov : Une banque de semences à Lyon pour préserver la biodiversité
  15. Beyond the Gardens: Millennium Seed Bank Partnership
  16. Impact: science et société, UNESCO Bibliothèque Numérique, pages 141 à 149
  17. Pavlovsk Experimental Station
  18. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station
  19. Seed banks: saving for the future
  20. Russia’s Vavilov institute, guardian of world’s lost plants
  21. CRBA L’institut Vavilov
  22. Russie : Campagne pour sauver la station expérimentale de Pavlovsk
  23. Une collection de 5000 variétés de petits fruits menacée de disparition en Russie à l’Institut Vavilov !
  24. Une oasis de la biodiversité menacée par les pelles mécaniques
  25. Russia launches inquiry into Pavlovsk seed bank after Twitter campaign
  26. Les végétaux du futur poussent à Charly
  27. In Situ: The Priceless Plants of the Pavlovsk Experimental Station